
Saviez-vous que plus de la moitié des conflits entre une collectivité et son prestataire informatique découlent d’un phénomène a priori anodin : un geste commercial offert en début de projet ?
Ce “cadeau”, initialement perçu comme un signe de bonne volonté, se révèle pourtant être la source la plus fréquente de tensions, de malentendus, voire de véritable clash avec le prestataire et, au final, d’objectifs non atteints.
Dans cet article, nous partons de cette statistique frappante (plus de 50 % des litiges que nous observons) pour analyser en détail pourquoi ce simple bonus génère autant de désaccords et comment y remédier. Loin de diaboliser le prestataire, nous verrons que le problème vient autant du manque de formalisme que d’une mauvaise communication. Nous vous proposerons ensuite des pistes concrètes pour que ce fameux “cadeau” cesse d’être un cadeau… empoisonné.
L’origine du problème : un geste de bonne volonté
« Il n’y a pas de repas gratuit. »
Milton Friedman
Il est tentant d’imaginer que le prestataire, en proposant un cadeau, manipule le client pour mieux le piéger plus tard. Pourtant, notre expérience de terrain montre que dans la majorité des cas, l’intention est sincère :
- Faire un geste pour montrer son implication et démarrer la collaboration sur des bases positives.
- Accepter une demande non prévue sans chiffrage, souvent parce que le client insiste sur l’intérêt de telle ou telle fonctionnalité.
- Faire preuve de flexibilité dans la relation, quitte à sous-estimer l’ampleur de la tâche à réaliser.
Au départ, tout le monde y voit un avantage : le client se sent écouté, le prestataire se montre réactif. Mais cet écart vis-à-vis du cahier des charges va souvent peser lourd sur les ressources, le budget et la planification.
Le moment où tout bascule
Le “cadeau” ne pose pas de souci… tant que personne ne réalise son réel impact. Le problème survient à l’instant précis où le prestataire annonce qu’il ne peut plus finaliser certaines fonctionnalités pourtant prévues initialement, faute de temps, de budget ou de ressources. Souvent, il justifie ce changement par l’effort fourni pour le geste additionnel réalisé plus tôt : « Nous avions accepté de faire cette fonctionnalité hors périmètre sans facturer plus, il faut donc revoir la suite du projet. »
Pour le client, c’est la douche froide. Il s’attendait à ce que l’ensemble du cahier des charges reste inchangé, sans imaginer que ce “cadeau” grignoterait les moyens alloués aux autres tâches.
Pourquoi plus de 50 % des conflits sont liés à ce cadeau ?
L’absence de chiffres et de suivi officiel
Lorsqu’une fonctionnalité n’est pas estimée ni formalisée, personne ne sait réellement combien de temps et d’argent elle représente. Le problème, c’est qu’on ne peut pas gérer ce qu’on ne mesure pas :
- Pas de référence budgétaire, donc impossible de justifier d’un dépassement.
- Pas de référence de temps, donc on ne peut pas expliquer clairement pourquoi certaines tâches prennent du retard.
Au fil du projet, ce flou s’accumule et, arrivé aux dernières lignes du cahier des charges, on se retrouve face à un manque de temps et/ou de budget. C’est souvent là que le prestataire explique qu’il va falloir amputer ou reporter certaines réalisations prévues.
Côté client : le sentiment de “trahison”
Du point de vue du client, tout semblait clair : un cahier des charges complet, avec des fonctionnalités dûment prévues. Or, une fois que le “cadeau” est livré, le prestataire remet soudain en question le périmètre initial en expliquant qu’il n’a plus la marge nécessaire pour tout terminer.
Réaction quasi-systématique du client :
« Comment ça ? Vous aviez pourtant validé l’ensemble du cahier des charges. Vous ne pouvez pas maintenant invoquer ce cadeau de départ pour vous dédouaner d’une partie du travail prévu ! »
Côté prestataire : l’incompréhension
Le prestataire, lui, se sent incompris :
« J’ai accepté de faire plus que prévu, sans facturer l’option supplémentaire, et maintenant je suis obligé de rogner sur le reste ou de demander un avenant au contrat. »
Cette divergence d’interprétation est à l’origine de plus de la moitié des conflits que nous voyons. Chacun croit être dans son bon droit, et la discussion tourne rapidement au rapport de force.
Un conflit qui peut dégénérer… faute de factuel
Nous retrouvons souvent le même schéma :
- Pas de chiffrage : personne ne sait combien vaut réellement le cadeau.
- Budget et délais : ce cadeau, même de bonne foi, a grignoté la marge de manœuvre.
- Surprise : le prestataire prévient qu’il va falloir supprimer ou reporter certaines fonctionnalités du cahier des charges.
- Colère : le client se sent dupé, le prestataire s’estime lésé.
Pire encore, sans élément chiffré, il est impossible de revenir à la réalité des coûts. Le débat tourne vite à l’affrontement : chacun campe sur ses positions, et la relation se dégrade.
Les bonnes pratiques pour éviter ce cauchemar
Exiger un chiffrage, même partiel
Avant d’ajouter la moindre fonctionnalité, exigez un mini-chiffrage. Même une estimation rapide en jours-hommes et en coûts permet de mettre les choses à plat :
- Vous connaissez la valeur réelle du cadeau.
- Vous pouvez arbitrer en toute connaissance de cause pour savoir si cela en vaut la peine.
Tout formaliser par écrit
Si le prestataire insiste pour offrir quelque chose, ou si vous-même sollicitez un extra, mentionnez clairement :
- Le périmètre exact de ce qui est “offert”.
- Que cette addition ne doit pas empiéter sur les livrables prévus au cahier des charges.
- L’impact potentiel en termes de coûts ou de délais, même s’il est “offert”.
Ce n’est pas une question de manque de confiance, mais de sécurité mutuelle.
Faire un avenant au marché
La meilleure protection consiste à actualiser officiellement le contrat :
- Rédiger un avenant qui reprend l’ensemble des modifications.
- Préciser la répartition du temps et du budget.
- Définir un ordre de priorité clair : si le budget est contraint, quelles fonctionnalités garder en priorité ?
Conclusion : un “petit plus” qui peut coûter gros
Lorsque plus de la moitié des conflits sont dus à un geste censé être “généreux”, il est temps de tirer la sonnette d’alarme. Un cadeau non chiffré, non budgété et non formalisé peut rapidement devenir un véritable poison pour la réussite d’un projet informatique.
Rien ne vous empêche d’accepter un bonus, à condition de chiffrer, de contratualiser et de communiquer clairement sur son impact. Au lieu de devenir un bras de fer, cet extra restera un avantage pour tous.
En gardant à l’esprit que plus de 50 % des conflits entre collectivités et prestataires se cristallisent autour de cette question, vous aurez toutes les cartes en main pour ne pas tomber dans le piège. Un cadeau, c’est toujours agréable… mais pas au détriment d’un projet stratégique.
Vous reconnaissez ce cas de figure dans vos projets informatiques ? Notre société de conseil accompagne les collectivités dans la sécurisation de leurs démarches numériques, de la rédaction du cahier des charges jusqu’au suivi post-livraison. N’hésitez pas à prendre contact avec nous pour en parler ou pour partager votre expérience.